10-12avril2013 Mahé Seychelles



Retour sur l’île principale pour nos deux derniers jours aux Seychelles.
J’ai lu durant ce séjour Aden Arabie de Paul Nizan, drôle de choix hein, si vous ne connaissez pas ce livre, vous avez au moins déjà vu son incipit « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Nizan interrompit ses brillantes études pour partir à Aden dans les années 20 mais c’est plutôt un récit d’antivoyage et surtout un récit anticolonialiste. Nizan était un jeune homme en colère dont certains propos, quatre-vingt ans plus tard semblent d’une troublante actualité en ces temps de crise, « [La France] gémit sur sa pauvreté, sur sa dignité, sur sa mission spirituelle et la petitesse de ses bénéfices et la grosseur de sa bonne volonté. Car elle est menée par des marchands hypocrites qui cachent les profits des bilans et pleurent sur la dureté des temps. » Nizan va briser le moule de sa bonne éducation, renier sa classe et ses maitres et devenir un grand cadre du Parti Communiste avant de le quitter avec fracas en 1939, il finira tragiquement sous l’uniforme, tué dans la débâcle militaire de 1940 à Dunkerque. Jean-Paul Sartre et lui furent camarades au lycée et à Normale Sup, il préfacera la réédition de 1960 et j’aime sa description de leurs années de Normaliens à Paris où ils partageaient la même thurne ; toutes proportions gardées je repense à mes vingt ans dans Paris avec Appollo, j’étais bidasse et je n’avais même pas mon bac, Appollo était étudiant à La Sorbonne, c’était plus classe. Nous avions vingt ans, nous étions à la Capitale, loin de notre petit caillou de l’Océan Indien et nous rêvions la vie, nous la rêvons toujours, je crois, même si c’est avec moins d’innocence et de cheveux qu’à l’époque.

Qui sait que les Seychelles ont été un état « socialiste » à l’époque de ce qu’on appelait la Guerre Froide au siècle dernier, bon sang, j’ai l’impression d’être un fossile de l’Histoire en parlant de cela, mais oui, j’ai vu Berlin coupée par le Mur de la Honte et Checkpoint Charlie avec de l’autre coté ces soldats soviètiques ou est-allemands dans leurs pesants uniformes. Les Seychelles ont vécu le marxisme triomphant avec un parti unique qui s’est imposé après un coup d’état pacifique en 1977, finalement c’était un Cuba qui aurait plutôt réussi avec du travail, la santé, un logement et l’éducation pour tous, et tout cela en partie payé par les riches touristes capitalistes, bien joué. Bon, il ne fallait probablement pas trop exercer son esprit critique à l’époque, avec une presse totalement muselée et les propriétaires ou opposants exilés n’ont sans doute pas vraiment apprécié les charmes de ce paradis socialiste. Il y eut tout de même une tentative de putsch par des mercenaires sud-africains qui échoua, une mutinerie militaire écrasée avec l’aide de soldats du « pays frère » tanzanien et des opposants en exil assassinés. Comme presque partout dans le monde, après la chute de l’URSS, la Constitution fut changée en 1993 et le parti au pouvoir changea de nom et se convertit au multipartisme, avec bonheur puisqu’il a, à chaque élection, conservé le pouvoir démocratiquement.
Après le quart d’heure Oncle Paul, retour aux cartes postales.Tous les mercredis soirs sur la plage de Beau Vallon se tient le Bazar Labrin où on trouve des étals de nourriture et d’artisanat, comme à La Réunion il y a des samoussas et des bonbons piment (qu'ils appellent gâteaux piment), je trouve enfin du kalou, le vin de palme tiré du cocotier et comme tous les alcools artisanaux à fermentation rapide que j’ai goutés, il a une légère odeur de vomi, juste un verre merci, bon, ça c’est fait ; tu es sûre que tu veux pas gouter Pascale ?
Nous n’avons presque pas eu de pluie à part quelques grains soudains et brefs, mais vu l’exubérance de la végétation dans toute cette rocaille je pense qu’on a eu de la chance. Au Nord ouest après Port Launay, une route très étroite et peu empruntée, heureusement, longe et surplombe d’idylliques petites plages désertes.
On retourne se baigner à Baie Lazare, accessible elle aussi par une minuscule route sur laquelle se trouve le Maria’s Rock Cafeteria (et l’atelier du sculpteur A. Filippin) avec sa déco pirate, sa terrasse intégrée à un gros rocher, ses morceaux de poisson que vous faites grésiller sur une plaque chauffée et ses merveilleuses crêpes.

« Il n’y a qu’une espèce valide de voyages, qui est la marche vers les hommes. C’est le voyage d’Ulysse, comme j’aurais dû savoir, si je n’avais pas fait mes humanités pour rien. Et il se termine naturellement par le retour. Tout le prix du voyage est dans son dernier jour. » Paul Nizan, Aden Arabie

5-10avril La Digue Seychelles




La petite île de La Digue (la 3e principale île habitée des Seychelles, 2500 hab.) fait face à Praslin, le ferry nous y mène en un quart d’heure. La Passe est le principal (le seul en fait) village de l’île, il y a très peu de véhicules à moteurs, ici le vélo est roi, on loge à La Passe Guesthouse, Chez Marie Anne, les chambres sont petites mais la maison est très bien située, à proximité de la jetée. Marie Anne propose surtout de délicieux plats (poisson ET viande) le soir pour un prix modique. En face de La Passe le soleil se couche sur Praslin, et ça tous les soirs, so beautiful …
On va donc se louer un vélo et pédaler comme tout le monde, direction LA plage d’Anse Source d’Argent, encore une carte postale en vrai.
Pour rejoindre la plage il faut traverser le domaine d’Union Estate, avec une roche géante impressionnante au pied de laquelle on peut voir des mares, des tortues géantes dans un enclos et quelques chevaux pas bien épais, chez les aborigènes ce serait certainement un lieu sacré. Il y aussi un chantier naval avec un bateau pirate (en fer) échoué et une vieille case un peu délabrée. On voit peu de vieilles cases aux Seychelles, il y en a une autre pas mal au toit rouge à La Passe.
 
On part au Sud-Est par la route qui traverse l’île par l’intérieur et celle-ci n’est pas plate, on croise de nombreux cyclistes démontés dans les côtes, ah tiens j’ai perdu Pascale.
La route s’arrête à Grand Anse : sable blanc, cocotiers, eau turquoise.
On continue à pied vers le Nord le long d’un sentier qui grimpe et traverse la pointe rocheuse pour arriver à Petite Anse : sable blanc, cocotiers, eau turquoise.
On reprend un sentier vers Anse Cocos : sable blanc, cocotiers, eau turquoise (et un chien). Il y a au Nord de la plage un petit bassin sans une vague, abrité par les rochers, on trouve même un abri de palmes adossé à une roche que l’on squatte avec délice (il n’y a pas de photomontage pour les images dans les lunettes de Pascale).
En escaladant les rochers de la pointe Sud je parviens au péril de ma vie sur une arête de granit à cueillir une coco suffisamment mure avec une délicieuse pulpe crémeuse (que j’atteindrais après plus d’un quart d’heure à arracher petit bout de bourre après petit bout avec mon ridicule canif). Un lézard a reconnu à mon tatouage le maitre lézard que je suis et vient sans peur à mon contact (en vérité il attendait avec impatience que j’ai ouvert la noix pour se goberger de sa délicieuse pulpe lui aussi).
Une route longe la côte Nord-Est et longe encore des plages de sable blanc parsemées de roches granitiques face aux iles Coco et Félicité et là c’est  épatant de réaliser qu’il existe encore des endroits paradisiaques et facilement accessibles qui ne sont pas dénaturés par l’appétit des bétonneurs de tout poil. On s’arrête à la pointe Nord pour encore un coucher de soleil sur Praslin, agrémenté d’un Bounty maison : noix de coco et Toblerone.
Comme à peu près partout, les plages sont parfaites pour faire du PMT (palme, masque, tuba). La plage d’Anse sévère est à moins d’une borne au Nord de La Passe et je vais y croiser 4 tortues en une heure. Il y a profusion de poissons, des tortues, des raies, … mais aux Seychelles le corail semble avoir subi un méchant coup de chaud, il est un peu mort et terne et ce superbe décor manque cruellement de couleurs.